Situation économique 2022


Des résultats 2022 qui restent à l'équilibre, avec des comptes qui se sont améliorés depuis plusieurs années

Depuis trois décennies, les volumes de marchandises transportées ont été multipliés par 1,5. Mais ces volumes supplémentaires ont plutôt profité à la route, et plus particulièrement aux pavillons étrangers.

Ce report modal du ferroviaire vers la route s'explique tout d'abord par un fret ferroviaire qui s'adapte moins vite que la route, il est moins « flexible ». Les crises de 2008 (économique) et 2020 (sanitaire) ont durablement impacté le transport ferroviaire de marchandises (le rebond y est moins rapide que sur le secteur du transport routier).



De plus, le prix est plus élevé : dans le coût « complet » du fret ferroviaire, nous pouvons retenir notamment: le prix des péages, les niveaux de qualifications élevées et exigées des tractionnaires.

Après une année 2021 de rebond sur l'essentiel des marchés adressés par le fret ferroviaire, les niveaux de croissance attendus restent disparates pour 2022. En effet, en lien avec les multiples évènements macroéconomiques (conflit ukrainien, augmentation des coûts d'énergie, inflation généralisée), les rebonds d'activités restent hétérogènes selon les secteurs (difficultés sur les marchés de la Chimie, de l'Acier et du Bâtiment).

Pour autant, le fret ferroviaire avait amorcé un rebond en 2021 avec 35,7 Mds de tonnes kilomètre de marchandises transportées par fer, dépassant les volumes de 2019. La part modale du fret ferroviaire s'établit à 10,4 %, et dépasse les 1 0 %, une première depuis 2008.
 



Qu'en est-il pour le Groupe SNCF ?

Sous l'effet d'une conjoncture économique favorable, le Groupe SNCF marque une très belle performance en 2022. Cette dernière n'est pas encore totalement altérée par les effets de l'inflation sur les coûts de production et d'exploitation.

Un chiffre d'affaires record pour le Groupe SNCF, avec 41,45 Mds d'€ en 2022. Pour autant, Si les activités filialisées totalisent désormais la plus grande partie du chiffre d'affaires (56 %), les activités historiques (les 4 SA et la SAS Fret SNCF) n'en sont pas moins déterminantes, et représentent deux
tiers des résultats.

La relance est donc actée en 2022. Mais la crise sanitaire passée, a permis de mettre en exergue la triple exposition du Groupe : entre activités régulées et conventionnées, activités industrielles et activités de marché.

Le modèle «régulé» et« conventionné» (Translien, TER, lntercités, SA G&C et la SA Réseau) affiche peu de variations d'activité, à la hausse ou à la baisse, du fait notamment de la mécanique des contrats avec les AO.

Pour Voyages SNCF et ses filiales, Geodis, un modèle de forte exposition aux marchés: pas de régulation publique, des événements exogènes qui influencent beaucoup les niveaux de trafics.

Enfin, le transport ferroviaire de marchandises, très ancré sur son territoire, et plutôt dans une logique industrielle reste très dépendant des sites de productions eux-mêmes. Au périmètre du Groupe SNCF, l'EBITDA progresse de 2,3 Mds en 2022, et s'établit à 6,6 Mds d'€. 90 % de cette progression provient des activités Voyageurs.

Qu'en est-il pour Fret SNCF ?

Les volumes transportés par Fret SNCF restent identiques en 2022, à 16,5 Mds de tonnes km.
Dans les faits c'est la filiale Captrain qui en 2022, voit la part de ses trains kilomètre progresser.

Mais à volume identique, les produits du trafic progressent de plus de 11 M€ entre 2021 et 2022, grâce à un effet prix favorable, tiré par le transport combiné. Le transport combiné génère dorénavant 18 % des produits du trafic.



Les charges opérationnelles évoluent quant à elles de manière différente. Par exemple, les coûts des péages poursuivent leur diminution sous l'effet des aides publiques; les dépenses en sous-traitance subissent directement les effets de l'inflation; les dépenses en énergie sont moins importantes que prévu en lien avec la couverture sur l'électricité et l'aide Arenh perçue. Une « chance » donc pour Fret SNCF d'être intégrée au groupe SNCF, qui assure la maîtrise des achats relatifs à l'énergie.

Mais pour 2023, l'effet prix est prévu défavorable sur l'électricité, car les tarifs sont plus élevés, et Fret SNCF ne bénéficie plus de certaines aides sur la première partie de l'année. Concernant l'énergie thermique, le budget a été construit sur la base d'une baisse du prix du baril alors que celui n'a pas décliné sur la première partie de l'année.

Des aides publiques définitivement nécessaires pour l'équilibre économique de Fret SNCF, et plus largement du secteur

En effet, la marge opérationnelle de Fret SNCF atteint l'équilibre en 2022.
Sans les aides (90 M€ au total), l'entreprise afficherait une MOP dégradée, tout comme son résultat net; Fret SNCF serait en déficit. Ces aides sectorielles (WI et Péages) seront prolongées jusqu'en 2030, et augmentées de 30 M€ à partir de 2025.

Plus globalement, le transport routier ne « paye pas le vrai prix» de la route : non prise en compte des externalités négatives (accidents, pollution, ... ), et le réseau ferré français est vieillissant et les besoins d'investissements importants.

En 2022, la dilapidation des actifs de Fret SNCF se poursuit, afin de « s'inscrire dans la trajectoire fixée au plan stratégique »

23 M€ de cessions en 2022 pour moitié des actifs immobiliers, et pour l'autre du matériel roulant.
Pour rappel, les cessions avaient atteint près de 100 M€ en 2021.

Les investissements 2022 sont moins importants que prévu du fait du report et abandon de multiples projets informatiques, et se concentrent sur les opérations mi-vie de matériel roulant, plus coûteuses que prévu du fait notamment de l'inflation (augmentation du coût des matières premières).

Néanmoins, la situation économique et financière de Fret SNCF à fin 2022 reste saine, malgré toujours des tensions sur la production. En effet, sur la même période, les 201 recrutements réalisés ne couvrent pas les départs : 265 départs.

De plus, le solde des mobilités intra Groupe est lui-même négatif en 2022 avec 98 arrivées chez Fret SNCF pour 129 départs vers d'autres activités, soit - 31 agents.



Plans d'économies  après plans d'économies…

En 2022, les mesures d'économies, de productivité et de renoncements à certains investissements ont été de 831 M€ pour les SA et la SAS Fret SNCF, qui y a participé à hauteur de 18 M€.

Pour autant, il n'a jamais été démontré que les multiples réorganisations qui ont entraîné des baisses d'effectif, faisaient que cela fonctionne mieux.

Par ailleurs, cela ne coûte pas non plus moins cher. Un seul exemple parmi tant d'autres : le Système d'information ORP qui devait fonctionner il y a 3 ans et coûter quelques millions ne fonctionne toujours pas pour presque 45 M€ de dépenses. Quels sont les coûts induits par les réorganisations qui amènent de la désorganisation ?

Un budget 2023 initial ambitieux, bousculé par des projets gouvernementaux qui viennent transformer les entreprises et leur cadre social, et par des difficultés économiques chez nos chargeurs

Alors que le budget 2023 prévoyait une croissance «ambitieuse» de 10,5 % par rapport à 2022 des produits du trafic, à fin mars 2023, la marge opérationnelle est négative à - 38,7 M€.

Pour faire face à la situation, un (nouveau) plan d'économies visant à « préserver la MOP » a été présenté en commission économique : 4 M€ de mesures visant à l'amélioration de la MOP (gel des dépenses d'honoraires, limitation des formations... ) et 14 M€ visant à améliorer la trésorerie (révision du programme d'investissement sur le matériel roulant, reports des investissements immobiliers... ).
Et toujours des cessions d'actifs prévues: 30 M€ prévus initialement au budget 2023.

Tout ça pour ça !

Depuis de nombreuses années, aux prix de sacrifices sur les moyens humains, sur les moyens matériels, mais toujours grâce à l'engagement (fort) des cheminotes et des cheminots, Fret SNCF avait pourtant réussi à redresser ses comptes sur les derniers exercices, avec des décisions politiques qui validaient pourtant la nécessité que le secteur doit être aidé, afin de participer à la décarbonation du transport de marchandises et doubler la part modale du fret ferroviaire à 2030.

Malgré les efforts, le projet de liquidation de Fret SNCF liée à l'enquête européenne (qui n'est pas clause pour autant), entreprit par l'État français avec l'appui de la Direction de l'entreprise risque fort de mettre à mal les efforts de l'ensemble des agents de Fret SNCF: leur implication, leur engagement.
Ce projet mettra un frein à la décarbonation du transport de marchandises, et pose plus largement la question de l'efficacité industrielle dans un Groupe éclaté et celui du socle social et des mobilités dans un Groupe de plus en plus cloisonné.

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