BILAN SOCIAL ET FORMATION 2021


Après une crise sanitaire sans précédent, 2021 marque un rebond d'activité pour Fret SNCF

Malgré les alertes des élus du CSE, les tensions sur les effectifs se font sentir dès le début 2021, mettant en avant des besoins de recrutement sur certains métiers opérationnels.
Mais dans la même période, Fret SNCF poursuit sa transformation et les plans d'économies qui en découlent, sursollicitant localement les cheminots. Le bilan social de l'entreprise traduit notamment ces différents effets.

Malgré le rebond d'activité identifié dès le début de l'année 2021, la trajectoire des effectifs poursuit sa baisse.

Au 31 décembre 2021, Fret SNCF compte 5406 agents à l'effectif total. Même si le recul est moins important que prévu initialement, il est de -6 % sur l'année.
Sur une période plus longue, la baisse des effectifs est importante: -21 % entre 2017 et 2021.
Ce sont sur la catégorie des agents de conduite où le recul des effectifs est le plus significatif avec 33 % de tractionnaires en moins.
Au 31 décembre 2021, les agents contractuels représentent 13,5 % de l'effectif. Par ailleurs, dans 10 ans, le Groupe SNCF comptera autant de contractuels que d'agents au statut.



Plusieurs éléments expliquent la baisse des effectifs en 2021. Tout d'abord, 502 sorties d'agents sur la période, majoritairement des agents au cadre permanent (242. Les mobilités sortantes sont également importantes (237 agents ont quitté Fret pour une autre société du GPU, en grande partie pour SNCF Voyageurs).

Comme chaque année, ces sorties ne sont pas compensées par les entrées: seulement 67 recrutements externes, majoritairement des sédentaires (53) sur des postes d'opérateurs de production Fret principalement, et 14 cadres. Comme en 2020, il n'y a pas eu de recrutement de tractionnaires en 2021. Enfin fret SNCF a accueilli 79 cheminots en mobilité.

Les agents quittant Fret SNCF et qui occupent des métiers opérationnels sont donc encore très largement plus nombreux qu'à l'intégrer.

Si les démissions sont à un niveau relativement proche de 2020, les départs volontaires ont presque doublé en 2021



Les départs à la retraite restent les premiers départs (153) et sont plus nombreux qu'en 2020 d'une part (124), et plus important que prévu au budget d'autre part : pour moitié, ces départs concernent des agents opérationnels (OPF, TB et TA).

Par ailleurs, le nombre de démissions reste relativement proche de 2020 (38 en 2021 vs 44).
Pour moitié ce sont des agents d'exécution, âgés en moyenne de 38 ans. Mais il est important de noter que les départs volontaires progressent (de 10 à 18).

La baisse d'effectifs reste très hétérogène. Tout d'abord, par qualifications, le nombre de TA recule de 10 %, -6 % pour les TB et de -8 % sur les autres agents d'exécution. Enfin, selon les Usines: -10 % à l'Usine Med. Seul le Technifret a eu ses effectifs augmenter (+2 %). Le Siège perd quant à lui 14 % de ses effectifs en une année (un point d'attention sur cette baisse importante dans un contexte où les fonctions supports restent très sollicitées, et les nouveaux outils « aidants » informatiques prévus ne fonctionnant pas de manière optimale).

Le vieillissement de l'effectif se poursuit, traduisant les faibles recrutements des dernières années.
41 % des agents sont âgés de 45 à 54 ans en 2021, ils étaient 28 % en 2017. L'âge moyen progresse de plus d'un an en deux années écoulées.
Sur les cinq métiers les plus représentatifs dans l'entreprise (les agents de conduite, OPF, Chargé de mise en oeuvre des prestations fret, GM et Dirigeant de proximité représentent 66 % de l'effectif total en 2021), le vieillissement est hétérogène. Par exemple, l'âge moyen des agents de conduite des trains augmente plus vite que l'ensemble (+1,8 an en 2 années).
De plus, l'effectif de ces 5 métiers a d'ailleurs reculé en deux ans de manière plus importante que l'ensemble des effectifs (-21 % pour les agents de conduite), -12 % sur les OPF.

Un manque criant d'anticipation sur les besoins d'opérationnels

L'ensemble de ces éléments traduit un manque d'anticipation de l'entreprise sur les besoins de recrutement. Pourquoi?
Tout d'abord, Parce que recruter, c'est long et difficile selon les métiers et les zones géographiques : concurrence avec d'autres entreprises, pénibilité des métiers.  Ensuite, former : c'est long, et le 100 % de réussite aux formations n'est pas garanti.
De plus, fidéliser c'est compliqué, dans une entreprise où les agents sont en perte de confiance (56 % n'ont pas confiance dans l'avenir du Groupe).
Mais le point le plus criant, n'est-il pas la faible rémunération proposée au vu des conditions de travail proposées ?

La solution de l'entreprise de demander aux agents ayant fait valoir leurs droits à la retraite de rester 6 mois de plus n'est pas tenable dans le temps.
Enfin, décaler des départs issus des mobilités Groupe n'est pas non plus une solution car cela pénalise l'agent (mal-être mis en exergue dans le rapport de la médecine du travail).

Une volonté de féminiser l'effectif, mais dans les faits, tout reste à faire, avec des objectifs à atteindre dans 2 ans

La part des femmes dans l'entreprise reste encore insuffisante (en dessous de 12 %). Rappelons que Fret SNCF n'a recruté que 6 femmes en 2021. Les engagements du Groupe dans l'accord Mixité de novembre 2021 sont importants, et donc des enjeux à réaliser pour Fret également.

L'accord prévoit deux objectifs principaux.
Premièrement, recruter 25 % de femmes en 2024 (elles représentent moins de 2 % du personnel de conduite et 2 % des agents sédentaires hors contrats aidés): cela sera difficile à atteindre, car les recrutements sont plutôt prévus sur des métiers techniques où la prise en compte de la pénibilité et l'aménagement des roulements sont nécessaires (pour les femmes et les hommes).
Deuxièmement, un taux de féminisation des cadres de 32 % en 2023: sachant que les réorganisations à venir sur les fonctions supports (où les femmes sont plus présentes) vont aussi concerner des cadres.

Deux documents normés traitent des différents indicateurs femmes/hommes : le Rapport sur la Situation Comparée et l'Index. Mais ces documents ne traduisent pas les investissements réels à réaliser pour féminiser l'effectif, ni les écarts de salaires médians plus à même d'amener la compréhension des sujets de rémunération.

Perspectives d'emplois en 2022 : il est urgent d'agir !

Les recrutements sur les métiers opérationnels sont prévus en augmentation. Des écoles d'OPF ont été réalisées en 2021, et se poursuivent sur 2022. Il est également prévu 3 écoles de TA (une école a débuté en février avec 10 stagiaires et une en juin avec 11 stagiaires), une école de TA vers TB en octobre ainsi qu'une TB initiale.
Mais au vu des taux de remplissage des écoles, des taux de réussite, et de l'absentéisme (voir partie conditions de travail) cela risque d'être insuffisant pour répondre aux besoins réels.


L'Index égalité est un document normé qui oblige à la publication du score en interne et à l'externe.
Les notes sur 100 obtenues dans les 4 SA et la SAS Fret sont les suivantes :
​SNCF Voyageurs: 91 points, SNCF Réseau: 89 points, SA SNCF: 85 points, FRET SNCF: 99 points, SNCF Gares & Connexions: 99 points. La méthode de calcul peut masquer des situations d'écart réelles de rémunération entre les hommes et les femmes. De plus, l'index, comme le rapport sur la situation comparée, ne traduisent pas les efforts réalisés et à fournir visant à plus d'égalité entre les femmes et les hommes.

Le bilan formation de 2021 met en avant un écart notable des heures par rapport aux prévisions

En 2021, 60% des heures inscrites au plan de formation ont été réalisées. Plusieurs éléments expliquent cela. Tout d'abord, le plan de formation a été réalisé en été 2020, avec une hypothèse d'une sortie de la crise sanitaire plus rapide. Ensuite, les projets ORP, DIGIDRIVE, Doc@Fret et DigiFret 2.0 sont décalés dans le temps, donc les formations également. Enfin, la formation initiale TA a été reportée à février 2022.

Les heures de formation majoritairement dédiées au maintien des compétences

Les formations délivrées en 2021 sont à 80 % sur le maintien des compétences en lien avec les formations à caractères obligatoires (conduite et sécurité ferroviaire) et la formation initiale de 12 CRLO (ces heures de formations auraient dû être comptabilisées en le, emploi).
Par ailleurs, les heures de formation « en distanciel » sont par ailleurs moins importantes que prévu en lien également avec le décalage des projets SI, mais ces heures de formation ont été tout de même été multipliées par 3 entre 2020 et 2021.
De plus, les formations en distancie! ont permis aux cadres d'être plus formés (plus de stagiaires cadres que les années précédentes).
Enfin, la part des femmes dans les heures de formation est sur un point bas (7,5 %) du fait notamment de formations non réalisées en 2021 où elles sont plus présentes (TCPF, Tuteur/ alternants, par exemple).

Les aides de l'état en faveur de l'alternance motrices du développement de l'alternance

Fret SNCF atteint 4,5 % d'alternants en 2021 en comptabilisant les Contrats Pro intérimaires.
Fret a réussi à faire progresser de plus de 10 % le taux d'alternants, ce qui lui permet de bénéficier de nouveau des aides (en 2021, 2 M€) liées au dispositif « 1 jeune 1 solution ».
Pour autant, en 2021, seulement 6 ex-alternants ont été recrutés, ce qui est encore trop peu.



Des alternants trop peu présents sur des missions opérationnelles

Sur les 205 alternants présents chez Fret SNCF au 31 décembre 2021, un tiers est sur des missions opérationnelles pouvant déboucher sur une embauche. Deux tiers sont sur des missions transverses et en majorité sur des services où le ratio alternants/ agents est déséquilibré.
À titre d'exemple, sur les missions « comptable assistant de gestion », à fin 2021, il y avait 16 alternants pour 11 agents statutaires ou contractuels.

Des tuteurs en nombre insuffisant pour encadrer les alternants

Même si, sur le papier, un agent peut encadrer plusieurs alternants, une vigilance s'impose quant aux suivis de l'alternance réalisée. Comment et tous les combien sont réalisés les échanges alternants/ tuteurs ? Et les échanges avec les écoles? Le tout à réaliser avec la charge de travail réelle des agents tuteurs en poste; quelle disponibilité réelle de l'agent tuteur ? L'alternance est avant tout une période d'apprentissage: comment est géré le droit à l'erreur ? Comment est-elle identifiée? Le mal est sûrement plus profond que cela, un alternant n'est pas là pour tenir un poste de cheminots !

En 2021, l'absentéisme maladie augmente, à un niveau au-dessus des 4 dernières années

Dans les faits les journées d'absence maladie reculent en 2021, mais moins vite que la baisse des effectifs. L'absentéisme maladie est en progression en 2021 : 5, 9 %, soit 13 ,7 jours en moyenne par agents (présents à l'effectif moyen total).



Des catégories socioprofessionnelles plus exposées, tout comme certaines Usines

Les agents sédentaires d'exécution et les maîtrises restent plus exposés à l'absentéisme maladie que les autres catégories. De plus, chez les agents de conduite, les jours moyens d'absence maladie sont en nette progression en 2021, passant de 7,8 jours à 10,3 jours.
Chez Fret SNCF, plus de la moitié des arrêts maladie concernent des arrêts d'une durée inférieure ou égale à 7 jours, soit 1 162 arrêts en 2021. Etc' est bien ces arrêts de courte durée qui pénalisent l'organisation, car ceux-ci sont bien souvent non remplacés (et souvent les arrêts de longue durée non plus).
De plus, par rapport aux indicateurs de l'ensemble de Fret SNCF, quatre Usines sur les sept comptabilisent plus d'arrêts maladies courts et une part des agents ayant eu trois arrêts ou plus dans l'année. Il s'agit des Usines Nord, Méditerranée, Normandie Île-de-France et TechniFret.

Un lien entre postes vacant et absentéisme ?

Face à ces situations, une analyse plus précise des causes d'absentéisme doit être réalisée par l'entreprise. Les sujets suivants doivent être investigués : est-ce qu'une part de l'absentéisme maladie est en lien avec les conditions de travail ? Comment a évolué l'effectif sur ces quatre usines ? Les recrutements, les cessations ? Est-ce que le nombre de postes vacants y est important ? Y a-t-il une dérive dans l'utilisation des agents au-delà de ce que permet la règlementation ?
Plus globalement, est-ce qu'aux bornes de chaque Usines, il y a un manque de personnel qui affecterait les conditions de travail des agents en poste (report de charge, épuisement, fréquence d'absences importante) ?
En effet, une analyse des postes vacants par Usine permettrait a minima, d'objectiver les causes potentielles d'absentéisme.

Après une année 2020 "atypique" où les indicateurs d'accidentologie étaient en baisse, ceux-ci repartent à la hausse en 2021

En 2021, on compte 284 accidents de travail ou de trajet (avec ou sans arrêt}. Il y en avait eu 300 en 2019. Plusieurs éléments sont à mettre en évidence.
Tout d'abord, le décès tragique d'un agent en service à Saint Julien de Montrichet en début d'année. Ensuite, une progression des accidents de trajet. Enfin, s'il y a moins d'accidents par rapport à 2019, on constate en 2021 une accidentologie plus prégnante sur les Usines ayant des activités de tri et/ ou de desserte.

Les OPF, âgés entre 40 et 49 ans, avec très peu ou beaucoup d'ancienneté sont plus exposés aux accidents du travail

Tout d'abord, par rapport à 2019, quel que soit le métier exercé, la tranche d'âge 45-49 ans est la plus exposée en 2021 (26 %) . En 2019 c'était les agents âgés de 40 à 44 ans. Ce "glissement" peut s'expliquer par le vieillissement naturel de l'effectif.
Les agents ayant peu ou beaucoup d'ancienneté sont également plus exposés.

La part des victimes de moins de 24 ans (2%) comprend les contrats aidés. Hors contrats aidés, les moins de 24 ans sont également très exposés à l'accidentologie : 12%



Si "l'inattention" due à la pratique du métier depuis de nombreuses années peut être une des explications, il n'en demeure pas moins que l'effet d'usure lié à l'âge et à l'ancienneté sont également à prendre en compte dans la compréhension de ces indicateurs.
En effet, l'usure au travail est également reconnue par la médecine du travail comme un accélérateur de vieillissement : « il y a un lien entre horaires décalées et en 3x8, et impact sur la santé. À 50 ans, un salarié qui travaille en 3x8 et en horaires décalés, "vieillit" plus vite au travail ».
​L'ensemble de ces constatations mériteraient, a minima, de requestionner la pénibilité au travail et les aménagements de fin de carrière.

La dégradation des conditions de travail reconnue également par la médecine du travail

Outre les observations récurrentes remontées par la médecine du travail, comme « le contexte tendu avec des réorganisations incessantes (72 projets de réorganisations en 2021 }, entraînant de l'anxiété chez certains agents » des thématiques plus récentes sont mis avant par les agents lors des visites médicales.
Tout d'abord, en lien avec deux éléments factuels expliqués plus haut, que sont la baisse des effectifs et la reprise d'activité, les médecins du travail observent que « certains secteurs semblent rencontrer une diminution des effectifs mais une augmentation de la charge de travail ». De plus, « certains conducteurs rapportent une augmentation du temps de conduite (risque sur le plan de la vigilance, de la concentration…) ».

Enfin, des difficultés propres aux DPX sont identifiées, comme « la mise en place et I'accompagnement des réorganisations et gestion sur le terrain des difficultés concrètes (agents en difficultés…) ». Autre exemple, « la réforme de la médecine du travail entraînant un éloignement de certains médecins des sites de production et des problématiques locales surtout pour ceux gérant plusieurs sites ». Enfin, « une charge travail importante avec départ de collègues et/ou arrêts maladie sans remplacement ».

Depuis plusieurs années, les rapports de la médecine du travail alertent sur ces différentes situations. La population des DPX, maillon local essentiel faisant le lien avec les agents et les différentes directions doit être soutenue, comme l'ensemble des agents.
Au-delà des formations dite RPS (souffrance au travail) proposées, l'entreprise doit maintenant agir. Stabiliser les organisations. S'assurer que les ressources soient suffisantes au regard de la charge de travail. Recruter si nécessaire, le recrutement étant une action de prévention primaire visant à diminuer la charge de travail. Améliorer le socle social pour que les agents restent chez Fret SNCF. Donner les moyens aux équipes de s'inscrire dans ces actions : les fonctions support sont par définition support aux opérationnels et doivent être correctement dimensionnées.
Il faut maintenant de vraies mesures (et non des mesures "pansement") visant à améliorer la situation sociale chez Fret SNCF. Encore une fois, il est urgent d'agir ! Malheureusement les restructurations à venir avec la disparition de certaines usines ne va qu'accentuer le mal-être déjà fort des cheminots du fret et ceci sans réelle prise en compte par l'entreprise!

Tableau de synthèse des différents indicateurs sociaux