LIQUIDATION DE FRET SNCF : LES ÉLUS DU CSE FRET INTERPELLENT LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DE LA SNCF !

12/03/2024
Lettre d'information du CSE Fret


Le mercredi 6 mars, un CSE extraordinaire a eu lieu pour restituer le rapport d’expertise du cabinet SECAFI suite au droit d’alerte économique déposé par les élus du CSE FRET sur la procédure de discontinuité exigée par l’État Français.

Les élus du CSE FRET ont voté une délibération pour interpeller le conseil d'administration de la SA SNCF.

Ci-dessous, la délibération votée qui sera aussi envoyée au commissaire au compte de FRET SNCF SAS pour information :

Plénière du 6 mars 2024

Délibération : information pour avis du conseil d’administration de SNCF SA

Les élus du CSE FRET SNCF ont mandaté le cabinet SECAFI dans le cadre d’une procédure de Droit d’Alerte relative à l’ouverture de l’enquête de la Commission Européenne. Cette situation, si nous en doutons, est de nature préoccupante pour la situation économique et la situation sociale de l’entreprise.
Des questions ont été posées par les élus du CSE, lesquelles ont fait l’objet de réponses de la Direction. La présente délibération s’appuie sur les travaux issus de la Commission Économique et sur les conclusions du cabinet SECAFI qui nous accompagne sur l’ensemble de ce dossier. À ce titre, l’ensemble des élus remercient les membres de la Commission Économique, la Direction et les experts pour leur engagement et leur disponibilité tout a long du deuxième semestre.
Toute l’année 2023, le projet de discontinuité s’est progressivement mis en place en dépit et en l’absence d’une étude d’impact de ses conséquences. Pourtant, de nombreuses analyses ont mis en évidence les doutes et les risques de cette nouvelle déstabilisation du marché. Parmi ces analyses, nous pouvons notamment mettre en évidence le rapport issu de la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale portant sur la « libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l’avenir » de décembre 2023.

Cette délibération s’inscrit donc dans une triple démarche :

  • D’abord alerter : nous voulons porter le débat et nos analyses au sein de l’instance décisionnelle de FRET SNCF, à savoir le Conseil d’Administration de SNCF SA.
    En effet, nous regretterions que les positions et propositions du CSE de FRET SNCF ne soient pas présentées, valorisées, débattues ;
  • Ensuite, stabiliser : à ce titre, les élus du CSE FRET SNCF demandent l’application de la recommandation n°27 du rapport des députés de la commission d’enquête visant à la fixation d’un « moratoire sur le plan de discontinuité […/…] » ;
  • Enfin, protéger : la déstabilisation sociale, issue du démantèlement, amplifie les troubles psychosociaux, ampute les perspectives d’avenir, accroit les incertitudes, décourage les cheminots. L’idée de lancer des négociations sur les contours des futurs cadres sociaux alors même que l’instruction de la Commission Européenne n’est pas éteinte nous paraît prématurée.

À la lumière des travaux mentionnés, les élus du CSE FRET SNCF formulent les constats suivants :

1/ L’inconstance voire l’inconsistance de l’État « Aménageur » quant à sa politique du fret ferroviaire. À la fois dans sa vision du transport ferroviaire de marchandises que dans les conditions de développement du marché, notamment en complémentarité du transport routier. La nécessité d’une régulation plus vertueuse des modes propres et sécures combinée à une prise en compte des tissus industriels et économiques doit devenir une priorité ;

2/ L’inconséquence voire le cynisme de l’État « Réforme » qui a poussé le vice jusqu’à matérialiser une réforme ferroviaire en ayant pleinement connaissance des risques encourus par l’entreprise à l’égard des concurrents et de la Commission Européenne, sans avoir réglé, au préalable, cette question de la dette, malgré nos analyses et demandes répétées ;
Ces deux premiers constats confirment la nécessité d’un actionnaire public, l’État, qui défende et développe l’entreprise, à la fois dans son soutien financier en lui donnant les moyens de se développer que dans sa vision et dans ses ambitions industrielles.

3/ Le processus de discontinuité ne donne ni la garantie d’une amélioration de notre situation économique, ni de l’arrêt des griefs de la Commission Européenne à notre endroit ;

4/ La mise en place de deux entités (l’une prestant pour le compte de l’autre) fabrique artificiellement des coûts de coordinations et de transaction non efficace. Cela va conduire à doublonner des métiers, compétences alors même que les plans de productivités viennent amputer les fonctions supports et structure ;

5/ Le plan d’affaires construit ne s’appuie pas sur des réalités industrielles et des projections économiques viables. Nous estimons donc ce plan trop ambitieux pour être réaliste ;

6/ L’organisation commerciale est sous-dimensionnée. Elle est bâtie sur l’esprit d’une entreprise qui stagne alors qu’il faut résolument avancer. Nous devons déployer notre présence et nos solutions au plus près de nos territoires afin de répondre aux besoins de nos chargeurs, clients et industriels ;

7/ La viabilité économique ne repose que sur un volume de subventions important, lequel semble acquis jusqu’en 2030. Mais nous craignons que ces « soutiens » se transforment en « nouvelles aides » et soient assimilés à nouveau à des perfusions du fait d’un volume de trafics traités trop bas. D’autant que nous restons vigilants sur la pérennité de ces aides dont nous comprenons qu’ils sont assimilés à des décisions politiques. Nous craignons que ces subventions soient un appui à la relance et non à un soutien récurrent pour un secteur structurellement défaillant ;

8/ La capacité de l’entreprise à réaliser ses futurs investissements repose sur des hypothèses financières plus qu’optimistes. En effet, nous savons que le fret ferroviaire est soumis à tous les aléas : économiques (crises, baisse d’activité des chargeurs), politiques (changement de gouvernement, UE), écologiques (tempêtes, chaleurs), naturels (Maurienne) et bien d’autres. Sans prendre en considération ces aléas, nous estimons que ces hypothèses financières apparaissent comme non-réalistes. Nous craignons quant à la capacité de l’entreprise à réaliser ses investissements avec un focus particuliers sur la future entreprise de maintenance des locomotives ;

9/ L’efficacité industrielle soit « comment mieux produire un train » doit être au centre des projets à venir. Toutefois l’efficacité industrielle de FRET ne dépend pas que de FRET. En effet, la bonne réalisation d’un train dépend également de facteurs externes comme le réseau ferroviaire, le partage des sillons, les infrastructures... Des engagements doivent être pris par l’ensemble des acteurs afin de permettre à FRET SNCF de répondre à ses enjeux de qualité de service ;

10/ Les cheminots de FRET SNCF demeurent la variable d’ajustement depuis plus de 25 ans. Les différentes restructurations et les plans de performances avaient déjà fortement exposé les travailleurs de FRET SNCF aux Risques Psychosociaux. Depuis l’annonce du plan de discontinuité, l’exposition aux facteurs de RPS est plus présente encore. L’ensemble du corps social craint une remise en cause des accords et les élus du CSE appellent la direction à clarifier et préciser les garanties sociales concernant les deux futures entreprises.

Pour conclure nous rappelons que ce projet de discontinuité :

  • Fragilisera le marché le secteur à travers les risques de report modal inversé.
  • Créera un modèle économique plus coûteux basé sur deux entreprises.
  • Ne s’accompagne pas d’engagements en faveur du Fret ferroviaire de la part des institutions politiques et des acteurs du secteur.

Pour ces raisons, les élus du CSE FRET SNCF réaffirment leur demande l’application de la recommandation n°27 du rapport des députés de la commission d’enquête visant à la fixation d’un « moratoire sur le plan de discontinuité […/…] ».