UNE ANNÉE 2020 PARTICULIÈRE


À la crise sanitaire s’ajoutent les effets de la première année de la réforme ferroviaire !

L’année 2020 est un tournant dans l’histoire de Fret SNCF. Car, au-delà de la crise sanitaire ayant démontré une fois encore l’utilité publique du transport ferroviaire de marchandise, 2020 est aussi la première année de la réforme ferroviaire avec, pour conséquences, la transformation juridique de l’entreprise (d’activité publique, l’EPIC, à activité privatisée, la Société par Actions Simplifiées -SAS-). À cette possibilité, nouvelle, d’ouvrir le capital, 2020 marque également la « reprise » de la dette historique de 5 Mds€, laquelle est dorénavant logée au sein de SNCF SA en attendant la décision de la Commission Européenne qui pourrait en décider autrement et condamner ainsi l’avenir de Fret SNCF.

Par ces transformations comptables et ces transformations juridiques, Fret SNCF a donc commencé sa mutation forcée, en attendant son autre transformation, déjà engagée et plus importante encore : faire des trains sans cheminots grâce à la magie des mots et de leurs conséquences : optimisation, digitalisation, rationalisation, restructurations, etc.

En 2020, le chiffre d’affaires recule mais résiste par rapport aux autres activités ferroviaires de la SNCF

Le chiffre d’affaires ne recule que de 14 % par rapport à 2019 avec la démonstration de la forte mobilisation des cheminots, en temps de crise sanitaire, sans toujours disposer des moyens de protection adéquate, en ayant à cœur de desservir partout et pour tous, les marchandises utiles à la nation.
Cela ne doit tout de même pas masquer l’effondrement de l’activité avec deux fois moins de tonnes transportées (de plus de 40 GTK en 2008 à moins de 20 GTK) et l’urgence d’une vraie relance pour des raisons écologiques et économiques.
Pour revenir à 2020, les marchés sont plus ou moins impactés :

  • La sidérurgie perd 30 % de produit du trafic (avec les difficultés du premier client),
  • - 29 % sur les vracs solides, avec une crise céréalière qui perdure,
  • - 12 % sur les vracs liquides avec un marché de la chimie en difficulté sur l’année.

Plus globalement, cette crise sanitaire n’a fait qu’accentuer des difficultés déjà existantes sur ces marchés, renforçant davantage encore la nécessité d’une politique dédiée sur le wagon isolé, véritable socle de notre activité et de notre utilité pour les chargeurs et les territoires.​

Une activité en baisse mais des résultats améliorés : des aides publiques qui s’ajoutent aux économies de charges fixes

Si les aides aux péages ont été structurantes dans l’amélioration de la marge opérationnelle, la baisse des effectifs a généré 32 M€ de gains de marge opérationnelle supplémentaires auxquels se sont ajoutées les allocations de l’activité partielle.

Fret SNCF améliore ses résultats non pas grâce à son activité, mais par la baisse des effectifs. Ce phénomène s’inscrit dans la volonté de l’entreprise d’achever de poursuivre ses plans de restructuration à travers notamment des dépenses (investissements ?) dans les nouveaux systèmes d’information (ORP, Gescom, etc.) qui augmentent de 7 M€ cette année.
Les surcoûts de dépenses Covid représentent quant à eux 2 M€.

L’autonomie de Fret SNCF coûte-t- elle vraiment moins cher que son rattachement historique au Groupe ?​

Si des dépenses sont en baisse (les redevances payées par Fret SNCF au Groupe, la baisse des charges de maintenance qui est une fausse économie, …) les coûts générés par cette autonomie demeurent tout aussi significatifs : les dépenses liées aux systèmes d’information par exemple sont plus importantes de 12 M€ par rapport au budget.
Il n’est donc pas démontré que le « nouveau Fret SNCF » coûte moins cher que « l’ancien Fret SNCF ». C’est d’ailleurs un travail que le CSE continuera de faire afin d’illustrer les choix politiques qui s’avèrent être des contre-sens aux ambitions industrielles et sociales d’une SNCF mieux intégrée.

Des investissements en recul depuis 2016

2020 marque un point bas à 27 M€ d’investissements, et l’entreprise continue de céder ses actifs (24 M€ en 2020).
À l’amélioration de la Marge OPérationelle, s’ajoute « l’optimisation » de la trésorerie par une gestion du Besoin en Fonds de Roulement (BFR) : très « artificiellement », en décalant le paiement de ses dettes fournisseurs, en titrisant (1) les créances des clients (à un rythme mensuel de 35/37 M€), Fret SNCF améliore son « Cash-Flow Libre(2) », véritable indicateur de pilotage d’une entreprise par les financiers.
 

(1) La titrisation, c’est quoi ?
La titrisation des créances, ou affacturage, consiste à céder les créances qui appartiennent à l’entreprise (Fret SNCF) au profit de sociétés spécialisées, appelées « factor » (banques, entreprises de crédit, etc.). Fret SNCF transfère donc le risque lié au recouvrement des créances, et le factor verse une partie de la valeur des créances à Fret SNCF. Ce transfert de risque a un coût : 1 M€ en 2020.

 
(2) Et le Cash Flow Libre, c’est quoi ?
C’est l’argent généré par une entreprise une fois qu’elle a financé son exploitation et les investissements nécessaires à son développement. Quand celui-ci est négatif, cela peut signifier que les revenus dégagés par l’entreprise ne permettent pas à couvrir les investissements (même si l’entreprise cède des actifs) pouvant alors accroitre les besoins d’endettement.
Ces artifices permettent à Fret SNCF d’être à l’équilibre en 2020 malgré la baisse de l’activité.
Autre élément qui disparaît facialement des comptes de Fret SNCF : les frais financiers. Ceux-ci pesaient historiquement dans les comptes de Fret et expliquaient jusqu’à deux tiers de besoins de financement de l’activité. La reprise de la « dette historique » par SNCF SA a pour conséquence d’alléger le résultat de Fret de ces frais financiers. Mécaniquement, le résultat net s’améliore, bien qu’il demeure négatif (-159 M€).

De la nécessité de prévisions budgétaires réactualisées

Face aux fortes incertitudes de la crise sanitaire en octobre 2020 (vaccination, reconfinement, …), le budget initial prévoyait une croissance prudente du chiffre d’affaires de 1,4 % (dont 3,4 % sur les produits du trafic). Historiquement, les budgets ont toujours été des promesses non tenues et les ambitions n’ont jamais été atteintes. Cet indicateur, parmi d’autres, éclairait d’ailleurs du désengagement commercial de Fret SNCF pour laisser la place aux autres entreprises ferroviaires. Malheureusement, cette stratégie libérale n’a produit que des échecs : une part modale du secteur fracassée et un FRET SNCF fragilisé.



DE NOUVELLES SUPPRESSIONS DE POSTES EN 2021…

malgré les ambitions annoncées de croissance : cherchez l’erreur

Les premiers mois de l’année 2021 montrent une activité meilleure que prévue. Mais si cette trajectoire a vocation à s’inscrire dans le temps, il est essentiel de se donner les moyens du rebond par des moyens humains et matériels notamment.

Or, la marge opérationnelle prévue dans le budget initial voit sa progression directement liée à la baisse d’effectifs (-219 agents sur les fonctions supports, et -61 agents sur la production). Plusieurs millions d’euros ont d’ailleurs été provisionnés pour permettre ces suppressions de postes.

Pourtant, dans Ville, Rail & transport de mai 2021, Frédéric Delorme, Président de Rail Logistics Europe (pôle ferroviaire de marchandises du Groupe SNCF) ambitionnait « un retour à une marge opérationnelle positive en 2023 » à travers « un plan d’économie et une adaptation des effectifs en les réduisant de 300 personnes en 2020, 400 (dont 100 conducteurs) en 2021 en leur proposant des postes dans d’autres sociétés du groupe SNCF Captain France, TER, etc. ». Pour ce dernier, ces mesures relèvent de « mobilité interne, et non de plan social. Quand on enregistre 20 % d’activité en moins, il est normal d’adapter ses effectifs. Aujourd’hui, Fret SNCF compte un effectif de 5 100 personnes. Mais nous serons capables de rehausser les effectifs là où les trafics repartent. »

Ces éléments renforcent la nécessité d’un véritable moratoire sur les suppressions de postes. Fret SNCF continue de supprimer des postes au nom d’une logique comptable qui sera préjudiciable à la qualité même de la production de trains. En effet, la reprise voulue n’est possible qu’à travers des organisations plus robustes et des savoir-faire maintenus.
De plus, il ne faut pas masquer la situation particulière des activités de voyageurs, fragilisées par la situation sanitaire et par les conséquences de l’ouverture à la concurrence dans certaines régions.

De la politique d’aide à la nécessité d’un véritable soutien public à l’activité

Les aides sont encore fortement structurantes dans les prévisions : aides aux péages et aux wagons isolés. Si celles-ci sont actées pour 2021, elles ne demeurent pas garanties pour les prochains exercices illustrant ici la vision court-termiste du Gouvernement, son incapacité à projeter une politique ferroviaire.
À cela, nous anticipons également les risques d’un assèchement de ces soutiens par des répercussions tarifaires aux chargeurs eux-mêmes au nom d’une concurrence intermodale avec la route.
Des investissements en hausse, mais 40 % des actifs immobiliers de Fret SNCF prévu à la cession en 2021.
Si les investissements sont prévus en hausse en 2021 notamment en lien avec l’évolution des systèmes d’information, avec les opérations mi-vie des matériels roulants (27 000) et le GSMR (système de communication pour les locomotives), le budget 2021 acte plus de 100 M€ de cessions immobilières.
À l’issue de ces cessions, il ne resterait plus que 150 M€ d’actifs immobilier dans l’entreprise (essentiellement des terrains).
Ces éléments ne suffiront toutefois pas à accentuer les besoins de trésorerie.

À l’arrivée, une accumulation de pertes qui interroge sur le devenir de Fret SNCF

Les efforts des cheminots, les économies réalisées et les produits de cessions contribueront à améliorer le résultat net Fret qui se situerait autour de –50 M€. Malgré ces efforts, l’entreprise enregistrerait une nouvelle perte qui s’accumulerait à celles de 2020.

Ces accumulations interrogent sur la nécessité d’une « recapitalisation » à moyen terme de l’entreprise, l’ouverture du capital de Fret SNCF étant possible à l’inverse des 4 autres Sociétés Anonymes du groupe.

Cette hypothèse renforcerait alors les craintes exprimées régulièrement par le CSE : une entreprise ferroviaire sans cheminots et sortie du giron de la SNCF qui, dans la période récente, a fait part de son besoin de ressources financières à l’instar des motivations ayant conduit à la cession d’Ermewa (dans la logique d’autofinancement de la SNCF pour la régénération de son réseau).



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